Communiqué de presse – Exercice de réflexion sur l’avenir : Regagner la confiance

12.05.2023

Les exercices de réflexion sur l’avenir de CGLU, qui servent à décliner le Pacte pour l’avenir, ont été initiés par les Conseils politiques de CGLU. Il s’agit d’un espace de dialogue et de co-création dans lequel le leadership politique de CGLU, ainsi que la société civile organisée et les partenaires articulés dans les Town Halls de CGLU, construiront des ponts pour décliner le Pacte.

 Au cours de ces exercices, l’objectif est d’explorer et de discuter de la manière dont les notions et la mise en œuvre pour regagner la confiance contribueront à la manière dont le Pacte pour l’avenir soutient la révision de l’Agenda 2030 par l’Assemblée générale des Nations unies lors du Sommet des ODD et du Sommet du futur de 2024, qui s’alignera sur le rapport « Notre programme commun » du Secrétaire général et le soutiendra.

 

Méthodologie de la session

L’exercice a été introduit par la secrétaire générale de CGLU, Emilia Saiz, qui a souligné la nécessité de discuter des reculs spectaculaires de la démocratisation dus à la polarisation croissante, au racisme, à l’âgisme et au sexisme auxquels nous sommes confronté·e·s, comme nous le rappelle le Pacte pour l’avenir. Elle a noté que, malgré les grands efforts faits par le mouvement et en particulier CGLU-OIDP pour promouvoir la démocratie participative et l’égalité dans le cadre des ODD, le déficit démocratique et le manque de confiance n’ont pas été pris en compte, car il s’agit d’un élément essentiel pour retrouver la force et la légitimité des institutions.  Ces dialogues doivent nous aider à identifier des actions et des engagements concrets pour regagner la confiance et réparer les tissus démocratiques. 

La session était structurée en plusieurs segments : elle a commencé par une consultation interactive virtuelle cherchant à identifier les principales menaces qui existent actuellement pour construire la confiance et les points critiques nécessaires à analyser pour comprendre la méfiance générale. Elle a été suivie par des contributions sur le sujet, soulignant les expériences, les innovations et les applications possibles au niveau territorial de la part des conseiller·e·s politiques de CGLU, des représentant·e·s des Town Halls de CGLU et des parties prenantes. Le segment in-focus a permis aux organisations partenaires d’apporter leur point de vue et, enfin, l’Agora a permis un débat ouvert sur le sujet.

Redéfinir la confiance comme point d'entrée du Pacte pour l'avenir

Jessica Bridger, urbaniste, journaliste et consultante, a tenté de relier les points pour influencer l’élaboration des politiques. Elle a exposé ses convictions sur la nécessité de rendre les informations lisibles, accessibles et compréhensibles pour susciter la confiance. Elle a également mis en avant une approche plus positive de la critique croissante à l’égard des institutions, car l’opinion publique met également les institutions à l’épreuve et les incite à s’améliorer.  Elle a reconnu que le manque de confiance était généralisé à l’égard des médias, des gouvernements, des entreprises et de la communauté au sens large, et que les médias sociaux pouvaient quelque peu y contribuer en raison de leur contribution à la polarisation de l’opinion publique. Elle a également reconnu que les villes sont des laboratoires potentiels où un nouveau modèle de construction de la confiance peut être repensé.

 

« Si les gens ne font confiance qu’à leur groupe de pairs, à celles et ceux qui partagent les mêmes valeurs, les mêmes antécédents, etc., comment pouvons-nous favoriser les coalitions et la cohérence au sein de groupes qui sont ouverts et qui, de plus en plus, embrassent la différence ?  J’aimerais proposer que les villes, par nature, constituent un environnement parfait avec le potentiel d’établir la confiance en construisant ces coalitions, en construisant la communauté, en amenant les “gens comme moi” dans une définition plus large par le biais d’une intervention guidée. […] La polarisation et la fragmentation d’aujourd’hui peuvent diviser cela, mais peut-être qu’en dessous il y a en fait beaucoup de terrain d’entente et que les villes elles-mêmes prospèrent sur la confiance dans les institutions, mais aussi d’une personne à l’autre, d’un·e voisin·e· à l’autre. » Jessica Bridger

Carlos Moreno, professeur à l’Université de la Sorbonne, expert des villes, des territoires de demain et spécialiste du contrôle intelligent des systèmes complexes, a présenté un cas de proximité de la liberté d’expression et de la polarisation. Il a partagé avec les participant·e·s son expérience personnelle, étant devenu un ennemi public à cause de sa recherche sur la ville des 15 minutes – qui vise à ce que chaque habitant·e d’une ville ait accès aux services urbains essentiels dans un rayon de 15 minutes à pied ou à vélo. La thèse a suscité une énorme réaction conspirationniste, affirmant qu’elle favorisait une limitation des mouvements et des libertés, qui a été adoptée par des partis politiques dans différentes parties du monde.

En guise de contre-récit, il a expliqué comment il existait tout un mouvement mondial de journalistes et de démantèlement des fake news, expliquant les composantes des idées à l’origine des villes de 15 minutes. Les scientifiques ont également contribué à démonter le faux récit et se sont associé·e·s aux pétitions. Les maires du monde entier qui ont mis en œuvre des modèles de proximité similaires ont également apporté leur soutien. Le résultat de cette contre-offensive narrative a été extrêmement positif car elle a ouvert des discussions sur les idées qui sous-tendent le concept, et même les résultats électoraux dans certains endroits ont prouvé que les théories de la conspiration peuvent être contredites, si la confiance entre les institutions et les parties prenantes fiables est rétablie.

En citant Averroès, la confiance est essentielle pour surmonter les moments critiques : la paranoïa conspirationniste engendre de grandes manipulations. Quand il y a tant d’incertitude, l’ignorance engendre la peur, la peur engendre la haine et la haine engendre la violence. Carlos Moreno affirme que nous pouvons regagner la confiance en nous rassemblant et en ouvrant le dialogue entre les parties prenantes. C’est le seul moyen de démasquer les fake news, de lutter contre l’ignorance et de prévenir la haine.

Contributions à fort impact

Dans sa contribution, Emilio Jatón, maire de Santa Fe, a présenté l’expérience de la participation et de la confiance entre les citoyen·ne·s et l’institution locale qu’il dirige. Il a souligné l’importance de construire la confiance comme un processus ascendant, venant des citoyen·ne·s. Santa Fe est la première ville à avoir mis en place un exercice participatif pour déployer les valeurs du Pacte pour l’avenir et les utiliser pour définir l’avenir de Santa Fe. « Nous construisons les décisions, nous ne les prenons pas […]. Nous créons des assemblées de quartier dans lesquelles les fonctionnaires et nous confrontons les gens et donnons des réponses, et à partir de là, nous prenons des décisions. C’est là qu’il faut prendre les décisions qui nous mèneront à un pacte pour l’avenir. Tant qu’il y aura de la confiance, il y aura de la coopération. La confiance est un facteur clé dans ces assemblées pour créer la coopération. » Le Pacte pour l’avenir, a-t-il ajouté, est un outil essentiel pour nous, élu·e·s, et il nous invite à faire plus avec les communautés.

Carola Gunnarsson, conseillère municipale de Sala, envoyée spéciale de CGLU pour la liberté, la solidarité et la lutte contre les violences envers les dirigeants politiques locaux et vice-présidente de CGLU pour l’Europe, a souligné les risques auxquels la société est confrontée avec les fake news, les discours de haine, les violences verbales et physiques qui sont devenus le quotidien des représentants locaux et régionaux. Elle présente le renforcement de la confiance dans le système démocratique comme un élément fondamental du développement durable. Mme Gunnarsson a expliqué que les citoyen·ne·s actifs/actives devraient être au centre de la gouvernance démocratique, en promulguant des politiques claires et cohérentes et en garantissant une application cohérente de l’État de droit et la certitude des sanctions.

Katy Rubin, artiste et praticienne du changement civique, lauréate du prix de l’OIDP 2022, a présenté le théâtre législatif comme un outil venu du Brésil dans les années 1990. Cet instrument permet à une communauté confrontée à un problème de se réunir et de trouver des solutions par le biais de jeux de rôle et d’histoires. C’est un moyen de construire une compréhension commune et de reconnaître que l’expérience vécue est aussi importante que les compétences lorsqu’il s’agit de prendre des décisions qui affecteront la vie des communautés. Elle a souligné qu’il existe de nombreux outils qui peuvent nous aider à remodeler les dynamiques de pouvoir qui sapent la confiance. Pour elle, la joie et la créativité sont des ingrédients importants pour instaurer la confiance collectivement.

 

Dans le segment in-focus, José María Marin, de l’Open Government Partnership (OGP), a expliqué que le gouvernement ouvert offre la possibilité d’améliorer la communication et la compréhension entre les gouvernements et les citoyen·ne·s et, par conséquent, la mise en œuvre des politiques et des processus, en rétablissant la confiance.

L'Agora : des voix locales pour regagner la confiance

La discussion de l’Agora a permis de mettre sur la table d’autres sujets critiques. Les questions proposées par CGLU étaient les suivantes : a) Quelles actions notre collectif, en alliance avec la société civile, peut-il entreprendre pour promouvoir la confiance par l’éducation, la culture, des institutions plus ouvertes et transparentes et une vie communautaire fondée sur le respect des droits humains ? b) Quel soutien et quelles transformations devrions-nous exiger du système international dans des domaines tels que la régulation des grands médias, des plateformes de médias sociaux, des entreprises de développement de l’IA ? c) Comment devrions-nous aborder le débat sur le rétablissement de la confiance dans des sociétés de plus en plus polarisées, divisées et confrontées à la montée de l’extrémisme ?

Essayant d’apporter quelques réponses, Barbara Holtman, de Fixed Africa, a souligné, suite à son expérience, que la question de la violence à l’encontre des dirigeant·e·s indique que le niveau de confiance est si bas que les gens ont l’impression qu’à moins d’être violents, ils ne seront pas du tout entendus. Elle a recommandé de ne pas considérer le manque de confiance comme une opportunité, car les gens ont des attentes très faibles. Selon elle, si les gouvernements locaux prennent l’initiative de montrer la voie, il est possible de créer les conditions dans lesquelles ils se permettent d’échouer. S’ils partagent la responsabilité, ils devraient également le faire pour l’échec. « L’innovation est une option raisonnable, pas une option risquée. »

Elana Wong, codirectrice de la Plateforme des jeunes et des enfants issus de la migration (MYCP), a montré que l’instauration de la confiance entre les jeunes et les jeunes migrant·e·s issu·e·s de milieux marginalisés est un défi qui se heurte à de nombreuses craintes et à un manque de compréhension des besoins de la communauté. Elle a souligné l’importance d’inclure ces communautés marginalisées dans la construction de la confiance, car pour construire la confiance, il est nécessaire de co-créer à travers les communautés de base et les gouvernements locaux ont beaucoup de potentiel en étant l’écosystème parfait pour réaliser cette construction intersectionnelle.

 

Pour sa part, Rocío Lombera, conseillère de la maire d’Iztapalapa, a présenté les efforts déployés par le conseil municipal d’Iztapalapa pour instaurer un climat de confiance, en tenant compte du fait qu’il est nécessaire de connaître chaque district, chaque quartier, maison par maison. Elle a expliqué que cette proximité est un dialogue plus réel qui passe par des auditions directes, des assemblées informatives où l’on dialogue avec la population. La reprise de ces mécanismes, peut-être désuets, est une innovation en soi et la combinaison de la technologie avec cette forme de communication directe aide à regagner la confiance.

 

 

La session a également été marquée par l’intervention de Juma Asiago, coordinateur mondial du programme Safer Cities d’ONU-Habitat, qui a souligné la nécessité de créer des politiques et des programmes de sécurité en tant que pilier important qui ne peut être sous-estimé, dans la mesure où il s’agit d’un aspect essentiel de la dimension de gouvernance de la sécurité. Il a souligné que la confiance entre la population et les dirigeant·e·s est un indicateur clé pour définir le succès ou l’échec des politiques de sécurité.

L’exercice de réflexion sur l’avenir de CGLU s’est conclu par un engagement à poursuivre et à élargir la conversation sur la manière dont la confiance peut être regagnée et sur le rôle que les gouvernements locaux pourraient développer. Cet exercice fait partie de la série d’exercices de réflexion sur l’avenir de CGLU, qui ont inclus des sessions sur les biens communs (4 mai), les finances et l’économie (5 mai) et la gouvernance (11 mai).